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Dans un monde du travail en pleine mutation, où les technologies bouleversent les modes d’organisation, l’intelligence artificielle (IA) s’invite désormais dans les coulisses de la performance. Outil de mesure ou œil intrusif ? Son usage soulève une question essentielle : dans quelle mesure les outils de surveillance algorithmique renforcent-ils, ou au contraire fragilisent-ils, la confiance, l’autonomie et le bien-être au travail ?
Les outils de monitoring pilotés par l’IA promettent une meilleure efficacité, une évaluation plus fine des performances et une transparence accrue des processus. Pourtant, derrière cette quête d’objectivité se cache une réalité bien plus complexe : les réactions des collaborateurs à ces technologies varient profondément selon leur profil psychologique.
La théorie de l’attachement, initialement issue de la psychologie relationnelle, permet ici une grille de lecture précieuse. Elle distingue trois grandes tendances : les profils sécures, qui voient dans ces outils un support neutre ; les anxieux, qui y lisent une défiance implicite ; et les évitants, qui les perçoivent comme une intrusion dans leur autonomie.
Ces perceptions ne sont pas anecdotiques : elles impactent directement l’engagement, la motivation intrinsèque, le sentiment de sécurité psychologique… et donc la performance collective.
Face aux risques de stress, de désengagement voire de burn-out que ces technologies peuvent générer, trois leviers d’action apparaissent incontournables :
• La transparence, pour atténuer les fantasmes et nourrir la confiance.
• Le soutien à l’autonomie, en donnant accès aux données plutôt qu’en les imposant.
• La sécurité psychologique, en valorisant la personne au-delà de ses indicateurs.
Ce triptyque dessine un nouveau paradigme : celui d’une technologie conçue pour les humains, et non contre eux. Il ne s’agit plus seulement de piloter l’activité, mais de créer les conditions d’un épanouissement professionnel aligné avec les aspirations profondes des collaborateurs.
Pour intégrer ces principes, les entreprises doivent repenser leurs processus :
• En co-concevant les systèmes avec les salariés pour répondre à leurs besoins réels.
• En développant des systèmes de feedback personnalisés, valorisant les forces et accompagnant les axes de progression.
• En formant les managers à dialoguer autour de ces outils, pour éviter qu’ils ne deviennent des armes de contrôle silencieux.
• En intégrant des critères psychologiques dans les évaluations d’impact de ces technologies.
C’est à cette condition que l’IA pourra devenir un levier au service de la performance globale et durable des organisations, conciliant efficacité, confiance et humanité.
Dans un monde de plus en plus algorithmique, la vraie différenciation ne viendra pas du niveau de digitalisation, mais de la capacité à conjuguer performance technologique et intelligence émotionnelle.
C’est dans cette tension fertile que s’inscrit la performance globale et durable : une approche qui considère l’entreprise comme un écosystème vivant, où la réussite ne se mesure pas uniquement en productivité, mais aussi en capacité à créer les conditions du bien-être, de l’engagement et de la confiance dans la durée.
Les organisations les plus performantes demain seront celles qui sauront bâtir des systèmes pensés par, pour et avec les humains.